Dans le cadre de la discussion sur les espaces d'art indépendants, du soutien que nous cherchons à obtenir de la part des pouvoirs publiques, une remarque a été formulée: au niveau politique, au niveau où les décisions budgétaires sont prises, l'utilité, le rôle de telles espaces n'est pas clair. On comprend bien ce qu'est un musée d'art contemporain, un lieu public qui présente des expositions temporaires ou permanentes. On comprend bien ce qu'est un centre d'art (ou Kunsthalle), une institution peut-être plus réactive que le musée qui joue entre le niveau national et international du monde de l'art.
Ces structures ont des fonctionnements de petites à moyennes entreprise (PME), avec des équipes, plus ou moins larges, et un budget conséquent qui leur permet de fonctionner l'année durant.
Les espaces d'art indépendants sont des structures encore plus flexible pour la plupart, en terme de fonctionnement. Cette flexibilité est leur principal atout. Elles sont à bien des égards plus réactives encore que les Kunsthalle. Mais la flexibilité a un coût. Ce coût ne s'exprime pas par un chiffre correspondant à une somme d'argent, mais le plus souvent par un coût humain: les différents responsables des espaces d'art indépendants donne beaucoup de leur temps, bénévolement, pour faire fonctionner la structure. La difficulté n'est pas toujours de trouver des fonds pour payer le travail, même si ce n'est pas une chose facile. La difficulté vient plutôt du fait qu'avec les fonds vient une demande administrative, souvent lourde, et que cette lourdeur se traduit en heure supplémentaires, qui ne peuvent pas toujours être comptées. Cette lourdeur, limite la flexibilité. On se retrouve dans un cercle vicieux où pour pouvoir rétribuer un travail qui se veut flexible, on se charge d'une structure administrative qui empêche la flexibilité.
Mais à quoi sert cette flexibilité? Pour pouvoir s'adapter à des modes de création émergeant, une telle flexibilité est nécessaire. Pour pouvoir imaginer de nouveaux format d'exposition, une telle flexibilité est nécessaire.
On pourrait assimiler les espaces d'art indépendants à un département Recherche et Développement (R&D) qu'on trouve dans les grandes entreprises. L'idée de ces départements est de concentrer la recherche et de la séparer, dans une certaine mesure, du reste de l'entreprise. Celle-ci est visible par ses produits à travers sa publicité. Elle ne met par contre pas forcément en avant le département R&D. Il s'agit à l'intérieur de celui-ci de conduire les expériences dans les nombreux domaines d'expertise de l'entreprise de sorte à trouver ce de quoi le futur de l'entreprise sera fait. Les expériences sont menées dans un certain sens, mais sont ouvertes aussi aux recherches dont la direction est indirectement en rapport avec l'entreprise, dans l'idée d'ouvrir les horizons, de ne pas laisser de côté des aspects qui permettraient à l'entreprise d'ouvrir de nouvelles opportunités.
A bien des égards, les espaces d'art indépendants fonctionnent de la même manière. Toutes les expériences, artistiques, curatoriales, ne mèneront pas forcément à la prochaine vague d'exposition dans les grands musées du monde. Mais elles auront le mérite d'avoir été tentées, testées, réalisées, évaluées.
Pour fonctionner de la sorte, les entreprises acceptent d'allouer une partie de leurs revenus annuels au département R&D, leur donnant la mission de chercher, d'expérimenter, dans un cadre protégé, administrativement, financièrement, ce qui permet en retour à ces départements R&D d'être extrêmement réactifs, d'avoir la flexibilité nécessaire à leurs recherches
L'analogie avec le monde de l'entreprise pour des petites structure comme les espaces d'art indépendants peut être dangereuse si elle est prise littéralement. Les départements de R&D sont tenus à des résultats tangibles, chiffrables. Le monde de la culture fonctionne différemment. Les résultats sont pour la plupart immatériels. Ou disons-le autrement: si la culture repose sur des objets, des événements, bien définissables, la vraie richesse qui en découle n'est pas une richesse qui s'exprime en chiffre. C'est une richesse d'esprit, la richesse de nos cultures, l'indice d'une société vivante et saine.
Les espaces d'art indépendants contribuent, par leurs recherches, par les discours qu'ils proposent, par les expériences qu'ils mènent, à la dynamique essentielle du monde de l'art, de la culture, de nos sociétés.
Raphael
raphisme.ch
Galerie J
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